Profane 8
SE DE-LASSER
Il y a des expressions qu’on aimerait voir s’épanouir hors de leur domaine d’utilisation. Par exemple, « les délassements ». Il désigne les meubles réalisés par les artisans compagnons qui, pour leur plaisir et hors de leur temps de travail ou la retraite venue, réalisaient un meuble à échelle réduite résumant tout leur savoir-faire, représentant un défi technique, témoignage d’adresse et de virtuosité. Un beau terme qu’on piquerait bien volontiers, pour le faire vivre autrement, lui imaginer une tournure sacrément plus profane, incorrigiblement.
Essayons. Ici, nous aimerions aussi proposer des délassements. Ils n’ont rien à voir avec la parfaite maîtrise, plutôt avec le lâcher-prise, mais sont également faits en prenant le temps, dans le plaisir, sans prétendre à rien d’autre qu’à atteindre une forme de bienveillance. Avec soi-même, avec les autres. Ce n’est pas rien. Ce sont des céramiques (p. 20), des dessins (p. 210), des photographies (p. 56). S’engager dans la matière, sans autre objectif que de voir advenir quelque chose qu’on pourrait reconnaître, de voir un désir, une volonté prendre forme, et les partager.
Et comme les délassements sont malins, ils ont le bon goût de nous délivrer aussi de la lassitude. Celle qui nous guette à chaque nouveauté, à chaque proposition de loisir, pour renouer avec le plaisir du pareil, de la répétition, ce synonyme de l’amour. Refaire toujours et encore des silhouettes en papier de soie (p. 70), nager dans les mêmes piscines (p. 84), vouloir toutes les mains des statues (p. 132), collectionner les mêmes accidents de parcours (p. 198). Encore et encore.
Voici nos délassements, qui sont surtout les vôtres.
Format 155x230 mm, 228 pages
 
  
    
  
 
  
    
  
